(En Picardie)
La paroisse de Moyencourt, en Picardie, qui a donné son
nom à la famille qui fait l'objet de cette notice, est située
à 20 kilomètres d'Amiens et à 6 kilomètres
de Poix, son chef-lieu de canton. Son origine est très-ancienne
et se perd dans la nuit des temps. Son nom latin de villa Maiencurtis
figure dans divers titres des sires de Poix, qui possédaient
déjà la seigneurie de Moyencourt dès l'an 1030.
Château DE MOYENCOURT. - Le premier
château de cette paroisse fut bâti, vers 1046, par Gauthier
Ier Tyrel, sire de Poix, qui fit en même temps construire ceux
de Famechon et de Poix. Il fut reconstruit, vers 1168, par Adam, seigneur
de Moyencourt, et fut brûlé par les Bourguignons vers le
milieu du quinzième siècle. Réédifié
par Jean de Moyencourt, il fut encore détruit par le feu au commencement
du dix-septième siècle., selon l'opinion commune. Le château
actuel, situé au bas de Moyencourt, sur le bord d'une colline,
en face de Courcelles, a été construit, en 1612, sur les
ruines de l'ancien manoir féodal. Ce château a été
restauré, en 1752, par M. Jean-Louis comte de Crény; il
consiste en un grand corps de logis, couvert en ardoises, contenant
un salon, salle à manger, plusieurs chambres, cuisine, office
et autres lieux, accompagné de plusieurs bâtiments faisant
fermeture de la cour, avec écuries, remises et basse-cour, le
tout accompagné de jardins d'agrément, 78
potagers et fruitiers, entourés partie de murs et de haies vives
sur une contenance totale d'environ 35 journaux. Le bois de Graménil
contient 31 journaux et celui du Quesnoy ou Bois-Brûlé
environ 36 journaux.
" Cette seigneurie, dit l'abbé
Pouillet (1), est une des assez peu nombreuses, en Picardie, qui resta
de temps immémorial, attachée au même nom et à
la même famille. Elle est
citée comme telle par le comte de Boulainvillers, dans son État
de la France, tiré des Mémoires dressés
par les intendants du royaume, sous les ordres de Louis XIV, et
il assure qu'elle ne fut jamais vendue."(1)
Manuscrit sur l'ancienne paroisse de Moyencourt, près
de Poix.
Le premier seigneur connu de cette terre est Gauthier Tyrel, premier
sire de Poix, qui la possédait en l'an 1030. Adam Tyrel l'un
de ses arrière-petits-fils, la reçut en apanage en 1159;
puis en 1533, Charles du Chastelet en jouit par alliance avec Antoinette,
dernière héritière de la branche aînée
des Moyencourt, et elle resta dans ces deux familles plus de cinq siècles,
c'est-à-dire jusqu'en 1728, où mourut sans enfants Claude
du Chastelet; elle passa alors. dans les mains de M. le comte de Gomer,
seigneur en partie de Quevauvillers, et celui-ci, quelques mois après,
la céda par voie d'échange à M. le marquis de Crény
contre la portion de terres que ce dernier possédait sur la paroisse
de Quevauvillers. Le possesseur actuel est M. Julien de Tourtier, dont
l'aïeul, M. Antoine Michel de Tourtier, chevalier, seigneur de
la Martinière, épousa, la 20 août 1771 mademoiselle
de Crény, demoiselle de Moyencourt.
Cette Seigneurie était jadis tenue de la principauté
de Poix par deux fiefs. L'un, en Pairie de dix livres parisis
de relief, quarante sous de chambellage et deux mines de blé
de redevance annuelle; l'autre fief, tenu en plein hommage, par soixante
sous parisis de relief et vingt sous le chambellage.
Cette terre avait donc, comme celle de Poix,
le même droit de justice seigneuriale, c'est-à-dire la
haute, la 79 moyenne et
la basse justice. Elle avait également toutes les prérogatives
y attachées et son seigneur avait tous les droits honorifiques
de préséance en l'église de Saint-Jean-Baptiste
de Moyencourt.
Le seigneur de Moyencourt pouvait, quand il lui plaisait,obliger tous
les tenanciers à siéger à ses plaids généraux
et les jugements qu'on y prononçait n'avaient d'appel qu'en juridiction
royale. - Seize tenanciers étaient tenus, par la nature de leurs
fiefs, de se rendre aux plaids généraux de la seigneurie
de Moyencourt, auxquels ils étaient convoqués tous les
ans, au mois doctobre.
Parmi ceux-ci, on distinguait les propriétaires des fiefs du
Quint, d'Antoine Darde, de Coupel, de Langle et du Haut-Moyencourt,
situés. sur le territoire de Quevauvillers; ceux de Mouret, Petit-Héricourt,
Morial-Bohault, à Moyencourt, et celui du Bois-Brûlé
à Courcelles.
Les plaids particuliers avaient lieu le premier lundi de chaque mois;
c'était là que se faisaient les achats et contrats de
ventes, les aveux de dettes ou. de payements qui avaient besoin d'un
acte de notoriété publique.
Outre ces époques déterminées, les hommes de la
justice de Moyencourt pouvaient encore s'assembler, en tous cas urgents
et nécessaires, pour délits et contraventions, pour mettre
à exécution le prononcé des jugements condamnant
soit à l'amende, soit à la prison.
La chambre de justice, qu'on nommait tout simplement la justice, était
jadis au donjon de l'horloge du château. Une salle de bain a remplacé
l'ancienne prison seigneuriale, qui, elle-même, avait remplacé
l'antique porte à herse et pont-levis qui donnait entrée
au manoir féodal des maîtres de Moyencourt.
La cour de justice de cette seigneurie était
composée d'un bailly, d'un lieutenant, d'un greffier, d'un sergent
et d'un procureur. Il y avait en outre, pour la paroisse : un maire,
un procureur fiscal, un procureur d'office et un greffier.
Nous avons vu le registre des délibérations et des jugements
prononcés par la justice de Moyencourt, dont le premier 80
acte est du 13 juin 1592. C'est dans ces actes de procédures
que nous avons trouvé les officiers de la justice de Moyencourt
aux années 1592, 1639 et 1730 dont les noms suivent :
En 1592, Me Antoine Le Vasseur, sieur des Marets, lieutenant général
de la principauté de Poix et bailly de la justice, terre et seigneurie
de Moyencourt;
- Nicolas de la Ruelle, lieutenant;
- Simon Brocquart, greffier;
- Charles Samson, sergent;
- Pierre Massier, procureur.
En 1639. MI' Antoine de Hodencq, notaire royaI à Poix et bailly
de la justice, terre et seigneurie de Moyencourt;
- Adrien Crimon, lieutenant;
- Jean de le Boulle, greffier;
- Jean le Sieurre, sergent.
En 1730. Alexandre Plichon, notaire royal à Poix, bailly de
la terre et seigneurie de Moyencourt;
- Louis Sanson, lieutenant;
- Pierre Geffroy greffier;
- Firmin de le Boulle, sergent, etc.
On voit encore, sur le territoire de la commune de Moyencourt, un lieu
dit: la Justice, situé près de la Marette, sur une hauteur
d'où la vue s'étend à une très-grande distance.
C'était là que jadis étaient les fourches partibulaires
et le lieu choisi pour l'exécution des hautes oeuvres des anciens
seigneurs de Moyencourt.
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